Nous assistons à une révolution du logos, une révolution douce des signes, un genre de révolution dont l'expérience montre qu'elles ont plus d'impact que les révolutions industrielles. L'ancien monde était dominé par la concentration : des familles, des villes, des métiers, des moyens de production, des banques, des trésors, des bibliothèques, des musées, des campus, des livres, des encyclopédies, etc... Cette concentration se retrouvait dans la pensée. Compréhension, intellection, cognition obéissaient au même genre de capitalisation. Des millions de signes s'alignaient comme des semences dans un grenier à grains. Les réseaux de l'époquent étaient eux-mêmes construits autour de cette concentration (en étoile, en treillis).

Avec l'ordinateur, la question du stockage trouve d'autres réponses. Inutile d'amasser ici et maintenant, puisque la concentration peut se faire virtuellement partout. Grâce à la rapidité des transmissions, nous ne stockons plus des choses, mais des relations. Quand les routes se multiplient, les villes s'amenuisent. Quand les réunions peuvent se faire à distance, les colloques et les amphithéatres se vident. Les adresses ne se réfèrent plus à un lieu, mais à un code. Quand nous pouvons communiquer les uns avec les autres sans savoir où nous sommes, nous nous entretenons de code à code, dans l'espace global. Ce non-lieu est-il un lieu de non-droit? Non, car un nouveau droit en émerge.