Le mot penser est obscur, énigmatique. Son champ sémantique n'est pas le même dans les différentes langues. Dans notre vocabulaire, c'est une "tache aveugle" analogue à la tache aveugle de la vision.

La pensée ne se réduit ni à la raison, ni au savoir, ni à la conscience. Elle peut être inconsciente, irrationnelle, sans connaissance. Son sens est double : d'une part elle est présence du logos, d'autre part elle est un mouvement qui appelle, invite, promet, ouvre un espacement. Elle peut soit rencontrer le prévisible et l'anticipable, soit voyager, traverser l'hétérogénéité la plus imprévisible.

La pensée est un voyage non programmable, sans dessein, sans but ni horizon, qui ne se laisse pas rassembler dans une ontologie quelconque.

L'épreuve de l'autre dans la pensée, c'est avoir affaire à ce qui en lui n'est pas appropriable. L'autre est inanticipable. On ne peut pas le capturer à l'avance.