La mémoire n'est pas un simple rappel du passé, une restitution de ce qui aurait réellement et antérieurement existé. Les traces qu'elle garde n'ont jamais été présentes. L'autre rappelé n'est pas là pour répondre. Il est dissocié de nous. On l'appelle, on le nomme comme une chose apprise par coeur, mais il résiste. Ce n'est pas vers le passé que la mémoire se projette, mais vers le futur. Elle ne tient pas son pouvoir de la présentification du passé, mais de l'ouverture d'une différence entre l'être et l'étant (ontico-ontologique). La résurrection qui promet de ressusciter un passé ne peut qu'échouer, mais elle engage l'avenir. Là s'élaborent les fictions, les figures, les allégories. Pour survivre, les traces inscrivent des mots, des noms et des lettres qui nous sont légués "en mémoire de".

Si la mémoire a un pouvoir, c'est celui de tracer le futur déjà à l'oeuvre dans le rapport du présent à sa propre présence. En divisant l'instant, elle ouvre la possibilité de se repérer dans la représentation.