1. L'autre.
Nous sommes, avant tout engagement, responsables des autres, obligés à leur égard. Cette responsabilité ne résulte ni d'un choix, ni d'une décision, elle tient au don du langage. Probablement, dit Lévinas, elle est l'essence du langage. En effet le langage instaure une différence absolue où les termes ne forment pas totalité. Tant qu'il maintient la séparation, dans le rapport du Même (le moi, le sujet) à l'Autre, l'Autre reste absolument autre. Le Même et l'Autre ne se reflètent pas l'un dans l'autre (ce qui peut arriver quand la relation est spéculaire). Par le face à face, ils dessinent une distance en profondeur.
Si le moi se sépare de l'autre, ce n'est pas par négation de l'infini, c'est parce qu'il reconnaît le privilège d'autrui, sa maîtrise. Celui qui parle ce niveau, il enseigne à autrui.
L'autre dépasse l'idée de l'autre en moi, mais sans chute ni déchéance. Son étrangeté s'accomplit directement comme éthique.
2. Le tout autre.
Le tout autre lévinassien ne lui préexiste pas. Il l'invente par son écriture, son style, par une certaine manière de lier, d'entrelacer dans une série le Dire et le Dit.
Je ne peux, en aucune façon, exercer mon pouvoir sur l'altérité. Elle est inaccessible, imprévisible, comme la mort. Même le meurtre ne l'atteint pas.
Le savoir ne peut accueillir l'autre que s'il est critique, c'est-à-dire s'il se met en question. Penser l'absolument autre, c'est penser plus qu'on ne pense.
La séparation est le mouvement même de la transcendance. Dans le monothéisme biblique, l'être créé n'est pas issu du père, car il est absolument autre. La religion en prend acte.
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