L'altérité d'autrui ne dépend pas d'une qualité quelconque qui le distinguerait de moi. Elle ne s'inscrit pas dans une hiérarchie logique. L'autre est infiniment transcendant, infiniment étranger : son visage rompt avec le monde qui nous est commun. Sa parole ne procède pas de la relation, mais de la différence absolue. En m'interpellant, il confirme son extériorité.
Le langage rompt la continuité de l'être et de l'histoire. Dans la relation qu'il instaure, les termes sont dissymétriques et séparés : le moi, qui est mis en question / l'autre, dont la présence ne se laisse pas englober dans le langage. L'interlocuteur s'affranchit du thème que je lui prête; il déborde la représentation. Le discours ne fait ni système, ni totalité, ni cosmos. La parole est dans l'être, et déborde l'être.
La représentation ne repose pas sur la clarté de la pensée, mais sur la jouissance de l'extériorité.
Le langage s'évade. Il se désintéresse de la relation d'objet pour passer sur l'autre bord. Même quand il garde le silence, le discours préserve sa transcendance. Il est tout-autre, absolument autre.
La voix produit l'extériorité où le langage se déploie. Par la présence du visage, le tiers me commande et me rappelle à mes obligations.
Avant toute expérience, avant tout dévoilement de l'être, l'expression verbale et la responsabilité sont liés. Le langage commence avec l'éthique.
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