La philosophie du même a recours aux neutres : une essence abstraite qui est ou n'est pas, où se dissout l'altérité de l'autre. L'être étranger devient thème et objet. Il se range sous un concept ou se dissout en relations. La connaissance consiste à saisir l'individu dans sa généralité. Là, avec la compréhension, commence toute puissance. La raison est appropriation, possession.

La suprématie du Même sur l'Autre est intégralement maintenue dans la philosophie de Heidegger. On a accès à chaque singularité qu'à travers le verbe Être : un Neutre qui éclaire la pensée, la commande et la rend intelligible. L'âme de Platon ne pouvait rien rencontrer de véritablement étranger. Pour Heidegger, la singularité du Dasein ne se rencontre que dans ma mort, mon anéantissement, instant suprême solitaire et personnel qui maintient mon ipséité.

Heidegger n'a peut-être jamais soutenu qu'une seule thèse : l'Être est inséparable de la compréhension de l'être, c'est un Neutre qui ordonne pensées et êtres. L'ontologie heideggerienne subordonne la relation à l'autre à la relation avec le Neutre qu'est l'Etre. Elle exalte la volonté de puissance dont Autrui ne peut pas contester la légitimité. C'est un régime de puissance plus inhumain que le machinisme. C'est un exister païen où les hommes sont asservis aux maîtres et seigneurs sur leur terre maternelle, comme des paysans.

Avec Heidegger, l'athéisme est paganisme, les textes pré-socratiques sont des anti-écritures.