Dans l'approche historique des textes, le passé appartient à l'histoire. Il ne devient intelligible que par la médiation savante et critique de l'historien. Celui-ci garde ses distances. Le but est d'objectiver le passé en éliminant méthodiquement toute référence au présent. Pour comprendre, il faut se tenir hors du jeu. L'historien ne doit surtout pas se concevoir comme destinataire du texte. Au contraire il doit mettre l'objet à distance, le confiner dans son contexte.

Au contraire, le lecteur-interprète n'est pas séparé du texte. C'est à lui que le texte s'adresse, au présent. Chaque époque doit le comprendre à sa façon. La distance temporelle n'est pas un abîme béant, on peut la franchir positivement. Dans cette implication, le lecteur n'impose pas son opinion, il se met en jeu. Il ne comprend pas le texte, mais en se comprenant par le texte, il tient compte de sa position effective de lecteur.

C'est cette deuxième méthode, que Marc-Alain Ouaknin qualifie de "lecture existentielle", qui a été mise en oeuvre par le courant hassidique, en réaction à une tradition juive figée et répétitive. Tous les hommes du passé, du présent et du futur n'assistaient-ils pas en personne à la révélation du Sinaï? Il faut que le lecteur-interprète soit traversé par le texte qu'il lit. L'herméneutique moderne a suivi le même chemin.