Derrida
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Sources (*) :              
Marc-Alain Ouaknin - "Le livre brûlé, Lire le talmud", Ed : Seuil-Lieu commun, 1994, p221

 

Arche d'alliance sur un pilier du Portail Nord de la cathedrale de Chartres -

Pour la tora, le sens n'est jamais là où il se donne; être, c'est être en voyage, et le voyage n'a pas de lieu

   
   
   
                 
                       

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Marc-Alain Ouaknin s'interroge sur une étrange particularité de deux autres versets (Nb 10, 35-36) où il est aussi question des déplacements de l'Arche : * Quand l'Arche partait, Moïse disait : Lève-toi, Eternel! et que tes ennemis soient dispersés! que ceux qui te haïssent fuient devant ta face! / Et quand on la posait, il disait : Reviens, Eternel, aux myriades des milliers d'Israël! *. Nous avons rendu ici cette étrange particularité par deux astérisques. En effet dans la transcription des rouleaux de la tora (bible hébraïque, à ne pas confondre avec la traduction Ségond que nous utilisons ici pour la version française), les 85 lettres de ces deux versets sont encadrées par un signe (les nounim, c'est-à-dire deux fois la lettre noun, mais inversée), qui les singularise par rapport à n'importe quel autre verset de la tora. Cette particularité fait l'objet d'une discussion dans les pages 115 et 116 d'un traité du talmud (Chabbat).

Les versets ne sont pas à leur place dit un premier maître. Pourquoi? Parce qu'il est impossible d'être dans une place, de trouver un lieu de séjour. L'Arche, qui est le support de la loi, est toujours en mouvement. Elle est sans-lieu. Cette atopie porte sur l'espace, le temps et le sens : l'Arche ne se rattache pas à un sens donné, définitif. Mais le verset non plus (c'est-à-dire les mots) n'est pas à sa place. Il voyage. Le mot n'est pas la chose qu'il nomme, il est le voyage lui-même. L'écriture n'est pas une écriture : c'est une trace, la trace d'un arrachement. Encadré par les "nounim", le texte est effacé.

Selon Rabbi (un autre maître du talmud) les deux versets constituent un livre à part entière.

Le verset (Ex 25, 15) est considéré par les Juifs comme un commandement (une mitsva). Il s'agit de l'Arche d'alliance que les Hébreux transportaient partout avec eux, et voici ce qui en est dit : Les barres resteront dans les anneaux de l'Arche, et n'en seront point retirées. Autrement dit, il faut être toujours prêt au voyage car le voyage ne s'arrête jamais. Il est continué, perpétuel, incessant.

 

 

La tora elle-même n'est pas à sa place : elle ne se fixe pas, ne se fiche pas en terre, ne séjourne dans aucune certitude. Abraham a entendu : Va-t'en de ton lieu natal, de ta parenté, de ta maison. Il faut se mettre en route et errer. Telle est, d'après la tora, la manière authentique de résider. L'Arche est le lieu du non-lieu (la parole divine - et aussi humaine).

 


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