Le style de Francis Ponge, son opération propre, c'est qu'au lieu de signer son texte de l'extérieur (hors texte) [comme tout le monde], il l'insère dans le corps du texte. Elle devient une chose, un nom commun, comme ces autres choses dont il prend le parti et devant lesquelles il s'efface. Dans cette opération, il perd son identité, sa propriété sur sa signature, mais il obtient que cette signature reste comme chose instituée, monumentale, pierreuse. Une signature qui vient en supplément peut disparaître. Elle peut aussi manquer. C'est sa duplicité.

1. Franche et virile, bien française par la langue, tranchante et résolue, la signature porte avec force le désir du propre (phallocentrisme). C'est elle qui soutient la renommée, c'est elle qui mène l'offensive intellectuelle, c'est elle qui raille la chose quand elle résiste comme une dame. De ce côté-là, le noyau dur, magistral, dit Oui. La signature est une inscription, une approbation. Elle est fille du Logos.

2. Mais il s'affranchit de la loi qu'il a posée lui-même. Cette même signature est mise en pièces comme un rébus (Francis/franchise), mise en abyme. La signature perd sa dimension idiomatique et sa majuscule. Elle devient nom commun. En absorbant le propre de la chose, elle se fait événement de la langue.

3. A lui seul, Ponge forme un couple hétérosexuel. Il se marie avec lui-même - mariage à la fois harmonieux et équivoque, ambivalent, indécidable comme un hymen.

Ernesto Neto fabrique le même genre de monuments que Ponge. Ils sont vastes, grandioses, voire grandiloquents, mais leur puissance ne semble avoir été érigée que pour mieux se désenfler. Ici le "Léviathan-Thot" au Panthéon - divinité monstrueuse de l'écriture, comme son nom l'indique.