Pourquoi devenir un écrivain? Francis Ponge a décidé de renoncer à toute autre activité et de consacrer sa vie à l'écriture. Pourquoi? C'est une question de goût. Il n'accepte pas la langue commune, telle qu'elle se dit ou s'écrit. Il ne peut pas employer ce langage, cette langue morte. C'est plus fort que lui. Il n'agit pas : il est agi. La société a mille moyens de défendre, de conserver ce langage-là. Elle vous engage comme poète, professeur ou philosophe, elle vous procure des honneurs. Mais lui, ne peut pas écrire autrement qu'il écrit, c'est-à-dire en-dehors de tout genre, de manière unique, par un travail qui porte sur le langage. Il faut pour cela une autre rhétorique, un autre genre de logique, basé sur la clarté et l'impersonnalité du langage, et qui tire parti de toutes les ressources des vocables en tant qu'objets physiques, sonores, avec leur étymologie, leurs histoire, leur densité, leur sensibilité, leur épaisseur, leur poids sémantique. Il y a dans les mots une réserve qui permet d'échapper aux lieux communs.

Michel Amarger se rattache à un mouvement, le lettrisme, pour qui chaque lettre peut être un nouveau commencement.