Ressemblance n'est pas identité. Pour qu'il y ait modèle, il faut d'abord qu'il y ait eu copie (et non l'inverse) : c'est la dissemblance qui fait la ressemblance. Pour qu'une chose ou une image en signifie une autre, il faut un écart entre elles. Sans cet écart, la mimesis ne serait pas possible. Pour exprimer cela, Jean-François Lyotard utilisait un mot-valise : dissimilation. Toute similitude est une simulation qui cache quelque chose. Quoi? La dissimilitude elle-même, dissimulée dans la similitude. C'est cet ensemble complexe qui ouvre et qui oeuvre à la beauté. Faire une image ressemblante, c'et donner forme à une différence, c'est mettre en image le fait que ça diffère. C'est ce que fait le peintre, et aussi le cinéaste. →

→ Dans le cas du cinéma, la ressemblance semble évidente, car elle est impliquée par le mécanisme même de la caméra. Mais le film n'est possible que grâce à la mutation par laquelle ce qui apparaît à l'image diffère de la représentation figurative. Une casserole qui apparaît dans un film n'est plus cet objet qui sert à faire chauffer de l'eau, et une bicyclette n'est plus cette machine qui sert à circuler. Si la caméra s'y attarde, l'objet se charge de liens, de valences imprévues, de mots et de situations que l'imagination vient supporter et relayer. Un fait filmique implique une altération par rapport à la référence figurative.