Pour Aristote, l'homme est un animal vivant capable - en plus - d'une existence politique. Selon Hannah Arendt et Michel Foucault, à l'époque moderne, c'est la vie elle-même qui est mise en question dans la politique. En devenant le centre des stratégies étatiques, le bio-pouvoir transforme radicalement les catégories philosophico-politiques. La vie nue se politise. Des champs d'action autrefois non politiques, par exemple la démographie ou la santé de la nation, deviennent des enjeux politico-militaires. Des technologies sophistiquées permettent au pouvoir de pénétrer les corps des sujets et leur mode de vie. Il faut que ces corps deviennent dociles aux exigences du capitalisme. La vie naturelle (zoe) est intégrée dans la sphère de la polis.

On passe d'un Etat territorial à un Etat de la population où les hommes sont gouvernés dans tous les aspects de leur vie. On ne peut se mesurer aux énigmes du 20ème siècle (le totalitarisme, le nazisme, les camps de concentration) que dans cet horizon biopolitique qui gouverne secrètement les idéologies de la modernité, brouille les catégories politiques (droite / gauche, privé / public, absolutisme / démocratie, etc...), change les méthodes politiques, bouleverse les technologies de soi par lesquelles l'individu accède à son identité et conduit au déclin de l'espace public.