Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Le récit de l'Orloeuvre                     Le récit de l'Orloeuvre
Sources (*) : Une hantise qui vient               Une hantise qui vient
Ouzza Kelin - "Les récits idviens", Ed : Guilgal, 1988-2018, Page créée le 18 juin 2012

 

Amaryllis sur fond vert (Christian Rohlfs, 1937) -

L'évasure du Cercle

   
   
   
                 
                       

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- Aleth : Parler d'un cercle pour désigner un groupe de gens fait partie du langage courant. On évoque, par exemple, un cercle de réflexion ou de généalogie, ou encore un cercle restreint, un cercle de famille ou le cercle des initiés. Par extension, le mot désigne le lieu où les gens se rassemblent : par exemple le Cercle militaire. Nous nous retrouvons donc, pour ce qui nous concerne, au Cercle du Quai. Cela laisse entendre que nous nous asseyons en rond, et que la parole circule entre nous. Dans un cercle courant, usuel, la circulation ne s'arrête jamais. Tu tournes autour sans même t'en apercevoir, en suivant la ligne. Mais notre cercle est spécial, il y a dans sa ligne des points spéciaux, des évasures. Les évasures sont des zones qui, sans empêcher de tourner en rond, font insensiblement dériver la relation d'échange. Le cercle perd son statut de symbole, ses bords deviennent incertains, imprécis. C'est ce qui arrive aussi dans notre discussion. Il devient impossible d'identifier Pierre, Paul ou Jacques. Chacun donne son avis sans retour ni récupération possibles. Quand s'élargissent les limites du loft, quand ses bordures se détendent, on ne repère plus les points de vue, on ne peut plus rien arrêter. On doit fonctionner dans l'inarrêt du Cercle. Que se passe-t-il si aucune parole, aucune oeuvre ne revient jamais à son auteur ni à son expéditeur? La figure du cercle sans cercle laisse les tournements, retournements, détournements, détourages ou autres tournures affecter ce qui doit toujours rester, malgré tout, un semblant de ligne, un simulacre ou un désir de clôture.

- Jacques : Il est vrai que notre Cercle coule de tous les côtés, je n'ai rien à redire à ça. Et pourtant il n'est pas un vase, il est bel et bien un cercle, pour la simple raison que nous y revenons toujours. Il pourrait s'appeler autrement, Tonneau, Jarre, Amphore ou n'importe quoi, il serait toujours impossible de dire ensemble les deux choses incompatibles qui le caractérisent : premièrement il est circulaire, et deuxièmement, il ne vit que par et pour l'effraction. Mais pour faire effraction au cercle, il faut d'abord qu'il ait été là.

- Aleth : Ce n'est pas sûr. De même qu'on exige de quelqu'un ou de quelque chose une qualité qu'en son absence, on n'exige la circularité qu'en l'absence d'un cercle effectif. Nous savons tous que le nôtre, celui que nous appelons le Cercle (Dieu sait pourquoi nous préférons la majuscule aux guillemets), contredit en tous points les manifestations usuelles de circularité, et c'est cela, cette inadéquation, qui nous attache à lui. Qu'advient-il d'un cercle blessé, traumatisé? Qu'advient-il d'un cercle qui résiste à son essence de cercle, un cercle qui prend en haine sa propre nature? J'ai proposé ce mot, l'évasure du cercle, car il s'agissait d'un cercle qui reste un cercle en n'étant plus un cercle. L'évasure est une évasion qui ne réussit jamais tout à fait. Etant donné que, depuis le début, rien n'est circulaire, nous nous sommes déjà évadés; mais cette évasion nous reconduit toujours dans le cercle. Il n'y a pas de hors-cercle.

Extrait du Trésor de la Langue Française.

ÉVASURE, subst. fém.

* Dans l'article "ÉVASER,, verbe trans."

Élargir à l'extrémité, à l'orifice. Il faut évaser davantage ce tuyau, l'ouverture de ce tuyau (Ac.).On saute par-dessus des boyaux béants. Ce n'est pas toujours facile : les bords en deviennent gluants, glissants, et des éboulements les évasent (Barbusse, Feu,1916, p. 333).

HORTIC. ,,Évaser un arbre : lui faire prendre plus de circonférence`` (Ac.).

Emploi pronom. réfl. Chape, fleur, robe, vallée qui s'évase. Un arbre s'évase, ne s'évase pas assez, s'évase trop (Ac.). Sa tête, étroite du haut, allait en s'évasant à partir des tempes (Reider, MlleVallantin,1862, p. 90):

1. De chaque côté de l'une d'elles [trois arcades], après un contrefort, une longue petite fenêtre cintrée va s'évasant du dehors comme les meurtrières d'une forteresse... Flaub., Champs et grèves,1848, p. 323.

2. Son attention [de Poil de Carotte] est à ce point surexcitée que ses oreilles lui semblent matériellement se creuser et s'évaser en entonnoir; mais aucun son n'y tombe. Renard, Poil Carotte,1894, p. 135.

Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Fin xives. [date du ms.] esvaser « creuser » (Modus, éd. G. Tilander, 28, 70, Leçon du ms. C). Dér. de vase*; préf. é-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 75.

DÉR. Évasure, subst. fém.,,Ouverture d'un vase; et par ext. : élargissement pratiqué à l'extrémité d'un conduit, d'un pont, etc.`` (Ac. 1878-1932). Admis ds Ac. 1878 et 1932. reattest. 1611 (Cotgr.); du rad. de évaser, suff. -ure*.

 

 

Tout est parti d'une petite phrase d'Aleth. Il faut, a-t-elle dit, que l'Orloeuvre soit une plaie ouverte. Nul n'a songé à mettre en question cette phrase, qui était déjà une sorte d'axiome. Les racines sont muettes, n'est-ce pas, sauf si elle sont blessées. Elles appellent alors autre chose : l'imploration. N'avez-vous jamais entendu la prière des racines?

 


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