C'est Leopold Bloom qui fait le lien entre un coup de téléphone à passer, son père lisant le texte du la Pâque juive (le Seder) à l'envers, de droite à gauche, et le Shema Israel Adonai Elohenu (la principale prière juive) dans Ulysse de Joyce (pp109-110 de l'édition anglaise Wordsworth classics). Cette prière est un appel à une distance infinie. Elle devrait être chaque fois singulière (comme un coup de téléphone), jamais mécanisée. Et d'abord (Better phone him first), pour commencer, avant l'acte, avant même la parole, il faut faire des chiffres, un numéro aléatoire (twentyeight double four). Il faut dire qu'on est là, présent, au bout du fil, et cette présence est un oui, un acquiescement. C'est Joyce qui associe ce moment à la vibration des dents [la voix] et au Big Bang (p114) avant que Bloom ne demande à téléphoner. Il appelle à l'extérieur, mais c'est en lui que le téléphone ronronne, retentit. Quand cet appel devient automatique, quand il est reproduit et archivé par des dispositifs sociaux [et cela intervient bien avant l'invention de l'appareil nommé téléphone], on entre dans la modernité.