La scène de La Baigneuse à la source semble se passer dans la forêt, avec ses arbres, ses rochers et ses chutes d'eau. Mais si l'on examine de près la position de la jeune femme, on peut trouver des rapprochements inattendus avec d'autres oeuvres de Gustave Courbet.
- elle se présente de dos, montrant ses fesses comme la beauté cachée d'un autre tableau de Baigneuses, dans une posture sans doute analogue à celle de Courbet en train de peindre, comme si son corps répétait celui du peintre.
- la position oblique de ses mains peut se comparer avec celle qui tient la palette (la main gauche) et celle qui tient la brosse (la main droite), un genre de posture qu'on trouve également dans Les Amants Heureux (1844), L'homme à la ceinture de cuir (1845), L'homme blessé (1844-54), L'Atelier du peintre (1855), Les Cribleuses de blé (1854), etc... Dans un dessin autoportrait de 1847, ce dispositif se combine avec une inversion spéculaire de l'image.
- le tableau est en continuité directe avec l'espace du spectateur. Ici, l'eau semble s'écouler vers nous (comme dans Le sculpteur, 1844), tandis que dans d'autres tableaux (La truite, 1873), c'est la ligne du pêcheur qui s'étire vers l'extérieur, c'est la table où le personnage s'appuie qui dépasse vers nous (Petit portrait de l'artiste au chien noir, 1842), etc...
- la masse charnelle du corps absorbée dans sa chaude passivité semble vivante, palpitante, présente, comme les nombreux personnages endormis de Courbet (Sieste champêtre, 1840-44), ceux qui sont montrés de très près, nous touchant presque (Autoportrait à la pipe, 1849, Le désespéré, 1843). On peut rapprocher cet attrait pour l'"authenticité" du corps humain vivant de celles d'autres auteurs de l'époque, même si Courbet ne les a pas connus, comme par exemple Karl Marx.
- la signature rouge, en bas à droite, peu visible sur la reproduction mais presque proéminente quand on voit le tableau lui-même, semble souligner que ce corps féminin représente celui de Courbet, comme celui des Casseurs de pierre (1849)
- la construction, apparemment réaliste, multiplie les arabesques et les lignes parallèles, comme dans Une après-dînée à Ornans (1848-49) ou L'Enterrement à Ornans (1849), formant des sinuosités qui résonnent avec le corps du peintre.
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