A la place de Dieu, le Tao met un concept de la puissance suprême qui ne se distingue du néant que par le fait de se rapporter à l'acte; mais cet acte est exclusivement "ne rien faire". Son efficience suprême, c'est de rester silencieux pour que le monde puisse se mouvoir autour de lui. Pour se faire le moteur de ce qui est mobile, il doit se rendre lui-même immobile. S'il est en tout, c'est comme le moyeu dans les rayons, les fenêtres dans le mur ou l'espace vide dans le récipient. En n'étant rien, il rend le quelque chose utilisable. C'est un point-limite : le non-acte comme fondement originel de l'acte.

Seulement dans le Nirvaña et le Tao, l'athéisme est en sécurité. Encore de nos jours, c'est le seul lieu où l'on puisse échapper à la voix divine. On s'attache au néant comme à un piquet solide, sans pouvoir s'en détacher. Mais les hommes et les peuples finissent toujours par s'écarter de cette abstraction ultime. Ils se laissent envahir par le paganisme ou les dieux du mythe. Les fidèles de Bouddha et de Lao-Tseu préfèrent la vie à l'espace vide de la non-pensée, qui se perd dans le vide.