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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

                     
                     
Rien de nouveau sous le progrès                     Rien de nouveau sous le progrès
Sources (*) : Chaque instant ouvre l'histoire               Chaque instant ouvre l'histoire
Stéphane Mosès - "L'Ange de l'histoire, Rosenzweig, Benjamin, Scholem", Ed : Gallimard, 1992, p16

 

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Stéphane Mosès

[La croyance en la nécessité du progrès est sous-tendue par la notion d'un temps infini, homogène, où rien jamais ne peut se produire de radicalement nouveau]

Stéphane Mosès
   
   
   
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Dans son évocation de la tour de Babel, Kafka inverse l'interprétation traditionnelle. Selon lui, la génération de Babel n'a pas péché par impatience, mais au contraire par hésitation. Les hommes ont échoué à cause de leur lenteur et de leurs atermoiements. Ils pensaient que les moyens techniques de leur génération n'étaient pas encore suffisants, que plus tard leurs descendants réussiraient à construire plus vite avec moins d'efforts. D'ajournement en ajournement, ils ont fini par abandonner complètement. Ils ne remettaient pas en question le but (la tour doit être construite), mais les moyens (elle ne peut pas).

Les hommes de Babel tels que Kafka les décrit croient au progrès. Pour eux, le temps est illimité, indéfiniment prolongeable. C'est une forme vide [une perspective], que les actions des hommes peuvent remplir. On a tous les siècles futurs devant nous. Ils ne se préoccupent pas de l'avenir car ils n'en attendent aucune surprise. Ils n'ont ni espérance, ni patience, ni impatience, car il est évident pour eux que l'histoire va vers le plus, de l'obscurité vers la clarté, de la confusion vers la Raison, du désordre vers le monde de la volonté, selon une chaîne continue de causalité. C'est l'étape prochaine, nécessaire, d'un mouvement uniforme. Au terme de l'histoire, l'humanité accédera à son accomplissement final, son telos. Dans ces conditions, à quoi bon s'épuiser? La progrès s'accomplira.

On a inventé à l'époque moderne le temps homogène et continu des horloges, qui donne une forme systématique au temps babélien. C'est un temps doublement infini, vers le passé et vers le futur, sans commencement ni fin. Il se résoud en une suite d'événements singuliers, de processus.

Mais plus le savoir-faire augmente, plus les moyens s'accumulent, plus les utopies tombent à plat et plus le but poursuivi s'éloigne. Tout se passe comme si le temps n'accomplissait plus la tâche qu'on attendait de lui, comme si la perfectibilité de l'homme n'y était plus inscrite. Freud aurait-il raison? La culture humaine conduirait-elle inéluctablement vers la mort? C'est compter sans l'Ange de l'histoire, qui à tout instant peut faire surgir du nouveau.

 

 

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Propositions

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L'idée d'un progrès illimité et irrésistible de l'espèce humaine comme telle, dans un temps homogène et vide, est une prétention dogmatique détachée du réel

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La notion de progrès en tant qu'elle désigne ce qui est déjà là, dans l'éternel retour du Même, et continue à aller, voilà la catastrophe

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Le penseur de l'ère des Lumières attend du progrès de la connaissance un ordre nouveau du monde de la volonté

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Dans le régime moderne d'historicité (1789-1989), le temps est acteur d'une Histoire qui s'écrit au nom de l'avenir

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L'utopie est une catégorie imaginaire qui prolonge linéairement le cours de l'histoire, sans rien proposer de nouveau

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Il n'existe aucune pulsion de perfectionnement, et ce qui a le plus de valeur dans la culture humaine est bâti sur le refoulement pulsionnel

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La perfectibilité est le propre de l'homme, car elle ne s'épuise pas dans la présence

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Les fondements du progrès sont ruinés, et pourtant il continue

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Par la double infinité du passé et du futur, le système de datation basé sur la naissance du Christ, apparu à la fin du 18ème siècle, rend l'humanité potentiellement immortelle

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Les calendriers ne mesurent pas le temps comme des horloges; ils sont les monuments d'une conscience historique dont toute trace semble avoir disparu

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Avec le concept de "processus", l'événement singulier, disjoint du sens universel, a acquis un monopole de signification

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La perspective est le paradigme d'une conception de l'art susceptible de progrès

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La faute de la génération de Babel, c'est qu'ils n'étaient pas préoccupés de l'avenir : ils imaginaient que leurs descendants poursuivraient jusqu'à la fin leur rêve de progrès

 


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