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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Derrida, l'esprit | Derrida, l'esprit | ||||||||||||||||
Sources (*) : | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 3 septembre 2010 | Orlolivre : comment ne pas parler? | [Derrida, Psyché, l'esprit] |
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Le spectral de Derrida |
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Derrida, logos, logocentrisme |
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Qu'est-ce que l'esprit? Pour souligner son caractère fantasmatique, psychique, Jacques Derrida aime le nommer : Psyché.
1. Parole. Il est parole vivante, souffle, idéalité. Son histoire est inséparable de celle de la phonè : la voix phénoménologique qui se parle, s'entend, est présente à soi comme chair transcendantale, y compris en l'absence du monde. A chaque fois qu'on emploie le verbe être, l'esprit est là. Il est là (selon Hegel) dans l'amour, dans la Cène christique, et aussi (entre autres) dans la philosophie ou dans le droit. Est spirituel tout ce qui touche à la violence du droit, tout ce qui s'énonce sous forme de décisions, ordres, prescriptions : démocratie, pouvoir, autorité, dictature, et aussi Etat-nation. Dans les nations modernes, la police hante tout, le domaine public comme les échanges privés (et encore plus aujourd'hui, avec l'Internet). En ce lieu du spirituel, la psyché des peuples s'affirme. Chaque peuple se rassemble, il s'énonce par les fables et récits qui l'instituent. C'est l'âme des peuples, leur raison, leur logos. L'esprit européen repose sur la croyance en une responsabilité purement intérieure, qu'il attribue à la subjectivité. C'est la conscience culturelle, qui suppose savoir, science, conscience morale et certitude. Elle se méfie des dogmes, avance des hypothèses et des interprétations. Mais cette hypothèse, au fond, repose elle-même sur un axiome (anhypothèse) : "Toute la culture peut s'unifier dans une économie générale de l'esprit, logocentrique". C'est l'hypothèse de l'hypothèse, qui conduit certains peuples à se croire élus, missionnés. Il faut lire Heidegger, pour voir à quel point ce spiritualisme est partagé à la fois par la culture classique, jusqu'à Husserl et Valéry, et par le discours nazi.
2. Spectre. Le spectre est la figure ou le corps de l'esprit, son apparition charnelle. Par lui passe l'identification des restes (le deuil), la nomination (la voix), le travail de transformation (celui de la différance). Dans tout héritage il y a plus d'un esprit, et aussi plus d'un spectre, plus d'un secret à réactiver, ce qui n'est pas sans risque, car on ne peut jamais filtrer complètement ce dont on se fait l'héritier. On peut dire que le spectre est en attente de l'esprit - ou que l'esprit lui est promis, ce qui revient au même. Toute technique est production et reproduction. Elle transmet des pratiques et des connaissances en les actualisant, les désappropriant et les spiritualisant. Cela vaut pour la science et aussi pour le cinéma, qui donne à voir des spectres disparus depuis longtemps mais encore présents et actifs. Regarder la mort en face, faire durer ce regard, c'est le fantasme du pouvoir de l'esprit, de sa maîtrise souveraine. En croyant voir la mort, la mort même, la vie s'unit à l'idéalité.
3. Excès, supplément. C'est une puissance de transformation qui ne cesse de se diviser contre elle-même. Répugnant à la répétition, l'esprit se projette hors du présent et peut aussi agir contre nature ou en s'opposant à la vie. Il entraîne la pensée vers l'aventure, l'excès, le nouveau, l'imagination. Dans un mouvement d'auto-affection, d'auto-production, il produit les limites qu'il dépasse activement.
4. Crise de l'esprit. Il faut, aujourd'hui, après Freud, faire son deuil de Psychè - de ce qui reste du sujet ou du sujet en tant qu'il reste. C'est la crise de l'esprit, qui ne date pas de la modernité, mais de cette dissonance, de cette hétérogénéité qui caractérise l'esprit européen. En poussant toujours plus loin l'analyse, sans s'imposer aucune limite, y compris jusqu'au deuil de l'esprit, on reste fidèle à cette tradition, et à certains esprits en particulier - par exemple celui de Marx.
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-------------- Propositions -------------- -L'esprit répète son propre souffle, en déployant l'infinie liberté d'une auto-affection -On prend un risque en choisissant d'hériter, car dans tout héritage il y a plus d'un esprit, plus d'un secret et une réserve inconnue -Le spectre est l'apparition charnelle de l'esprit, son corps phénoménal, sa vie déchue -Entre le spectre et l'esprit passe la différance -Il y a trois choses dans le spectre : l'identification des restes (deuil), la nomination des générations (voix), la puissance de transformation (travail) -Regarder la mort en face, faire durer ce regard, le porter avec courage, confiance, loyauté, c'est le fantasme du pouvoir de l'esprit, de sa maîtrise souveraine -Le verbe Être, surtout quand on sous-entend "être présent", c'est le mot de l'esprit, son premier corps verbal -L'histoire de l'esprit n'est pas séparable de l'histoire de la voix -La voix phénoménologique est la chair spirituelle qui continue de parler, d'être présente à soi, de s'entendre dans le logos, en l'absence du monde -Animée par l'intention, par le souffle, la voix devient phonè, chair transcendantale, spiritualité vivante -La "phonè" comme parole vivante, spiritualité du souffle, unit la vie et l'idéalité -Il faut lire Heidegger, car toute la culture européenne partage sa pensée de l'esprit, son spiritualisme à l'œuvre dans le discours nazi -"Psyché" est le lieu psychique d'une fantasmatique pulsionnelle où se stabilise l'"esprit" ou l'"âme" des peuples, et où s'institue le logos des nations -La foi protestante, qui repose sur la responsabilité purement intérieure du logos, structure la conscience culturelle et scientifique des peuples modernes -Pour celui qui exige la raison, la vérité, la science, une hypothèse absolue ou "anhypothèse" s'impose : "Une économie générale de l'esprit, logocentrique, unifie la culture" -Tout ce qui touche à la violence du droit est spirituel : un esprit qui se manifeste comme pouvoir, autorité, dictature; qui s'énonce sous forme de décisions, ordres, prescriptions -Une spiritualisation spectrale est à l'oeuvre dans toute tekhnè -L'esprit est, comme le capital, une valeur excédante : la plus-value absolue et sublime du sans-prix -Il faut, aujourd'hui, faire son deuil de Psychè - c'est-à-dire du sujet en tant qu'il reste - car elle est expropriée, elle n'est plus un principe de vie -Il y a deux façons d'être fidèle à l'esprit du marxisme : critique et déconstruction -Le cinéma, qui est le seul grand art populaire, imprime sur l'écran, dans l'esprit, le corps et le désir des spectateurs, l'immédiateté d'émotions et d'apparitions spectrales -Dans le "Ceci est mon corps" de la Cène christique, ce qui se mange et se consume, ce supplément incalculable qui "est" "comme" rien, c'est l'esprit |
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: Guilgal |
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