Tout signe suppose une absence. Cela vaut pour la représentation [on ne représente qu'un objet absent] comme pour l'écriture. L'émetteur écrit pour un destinataire absent; et il doit abandonner la marque qu'il a écrite, c'est-à-dire s'absenter lui-même. De quel genre d'absence s'agit-il? demande Jacques Derrida. Elle n'est pas seulement circonstancielle. Ce n'est pas une simple absence temporelle ou locale, c'est une absence absolue, radicale. Le contexte de l'écriture n'est pas celui de la lecture. Quand le destinataire prend connaissance de la marque, l'intention de l'auteur n'est plus présente, il ne répond plus, son vouloir-dire a disparu. Sa situation est la même que celle du destinataire.

Il n'y a ni subjectivité, ni horizon de sens dans l'écriture. Sa force de rupture tient à sa structure même. Le moment de sa production (son contexte, l'intention de l'auteur) est irrémédiablement perdu et impossible à restituer. Le scripteur n'a plus aucune responsabilité, sa conscience n'a plus d'autorité. L'écrit a définitivement rompu avec ses conditions de production (herméneutiques, sémantiques). Il n'en reste qu'une marque qui se dissémine, peut se greffer à d'autres chaînes, se répèter en l'absence du sujet qui l'a émise, s'accrocher à d'autres codes, fonctionner dans l'espacement créé entre les éléments de la chaîne, produire de l'altérité (un mot qui, étymologiquement, peut être associé à itération).