L'humanité des Lumières avait foi dans la philosophie universelle. Elle pensait y trouver son bonheur. Mais les nouvelles méthodes n'ont produit des résultats tangibles que dans les sciences positives. La philosophie s'est divisée en systèmes divergents, impossibles à unifier. Le savoir s'est spécialisé, les savants sont devenus de moins en moins philosophes et de plus en plus artisans. Parmi la rare élite qui conservait l'espoir d'une philosophie unifiée, le sentiment d'échec s'est d'autant accru que les causes de cette situation étaient obscures. Les autres trouvaient toujours les formules qui convenaient pour se rassurer et pour rassurer leurs lecteurs.

Il s'est alors produit un étrange retournement. La philosophie est devenue un problème pour elle-même. On s'est interrogé sur le sens et la validité de la problématique rationnelle dans son ensemble. Faut-il encore faire confiance en la raison? L'idéal d'une philosophie universelle, qui fondait la modernité européenne, a commencé à se dissoudre. Toutes les sciences sont entrées dans une crise énigmatique. L'artisanat scientifique continuait son chemin, mais son sens de vérité était profondément ébranlé, et c'est l'humanité européenne elle-même qui entrait en crise.