"Rien qui jamais se sera produit ne devra être perdu pour l'histoire" dit Walter Benjamin dans le texte français de cette thèse III sur l'histoire. Cela vaut pour les petits comme pour les grands événements : chacun des instants du passé, sans exception, n'importe quel moment vécu, serait intégralement citable, ou bien (dit autrement) deviendrait une "citation à l'ordre du jour" (en français dans le texte).

Que faut-il entendre par cette affirmation assez surprenante de la part de Walter Benjamin, qu'il prend soin de situer le jour du Jugement dernier [sans expliquer ce qu'il entend par là]? Ce jour [dont on ne sait s'il faut le craindre ou l'espérer] serait celui où l'humanité posséderait intégralement son passé. [Identique à elle-même, sans aucun reste, serait-ce cela une humanité rétablie, rédimée?] Est-ce cela l'objectif poursuivi par le chroniqueur (c'est-à-dire l'historien), le point d'arrivée d'une quête ancestrale? Est-ce cela le rendez-vous mystérieux auquel chaque génération serait conviée?

Selon Freud, toute trace mnésique apparemment oubliée peut survenir à nouveau. C'est l'indice d'une levée du refoulement, à moins que ce ne soit le signe avant-coureur d'un sentiment océanique proche de la religion. La responsabilité de l'historien [et de chacun d'entre nous] est de se faire le gardien de tout ce qui peut survivre.