- Bibliographie de Hannah Arendt.
Quand on parle d'Hannah Arendt, on oublie à quel point sa vie a été extraordinaire. Allemande elle l'a été, attachée à sa langue jusqu'au bout, et juive aussi, par son destin, son exil et aussi ses engagements. Américaine, elle l'est devenue en 1951. Enseignante, elle l'a toujours été dans l'âme, avant de devenir la première femme professeur de Princeton. Eduquée en Allemagne, élève de Heidegger (avant, dit-on, d'en tomber amoureuse), de Husserl et de Jaspers, militante en France contre le nazisme entre 1933 et 1940, enfermée au camp de Gurs, évadée, clandestine, témoin en faveur de Heidegger lors de son procès et commentatrice du procès d'Eichmann, à Jérusalem, et on en passe. A cela, bien sûr, s'ajoutent ses écrits dont l'influence est forte aujourd'hui.
Théoricienne de la politique (c'est ainsi qu'elle se définissait), elle a proposé une analyse fortement charpentée et cohérente du totalitarisme et de ce qu'elle appelait la condition de l'homme moderne. La vie sur terre (Vita activa) lui est, dit-elle, donnée sous trois modes : le travail, l'oeuvre et l'action. Alors que dans la cité antique, le travail était rejeté dans la sphère privée tandis que la parole publique et son corrélat, l'action, étaient valorisées, aujourd'hui c'est l'inverse. La vie tend à se réduire au processus vital, c'est-à-dire (pour l'homme) au cycle production / consommation / loisirs (animal laborans), organisé dans une société normative. La production de ces artefacts humains que sont les oeuvres (homo faber) tend à se subordonner, elle aussi, au travail. C'est finalement le monde humain qui est détruit, à l'exception de certaines activités marginales comme l'art ou la pensée.
Avec le développement des techno-sciences, l'homme, quoiqu'il fasse, ne rencontre que lui-même. Le "Qui" s'estompe au profit du "Quoi". La culture est menacée. Les nouveaux modes d'action et de consommation s'éloignent de la tradition humaniste. L'autorité disparaît, ce qui ouvre la voie au totalitarisme, pour lequel tout est possible.
Malgré son ton extrêmement pessimiste, Hannah Arendt ouvre quand même quelques portes. Il reste de l'imprévisible dans le monde, contre lequel on se protège par le pardon et la promesse. En chacun d'entre nous et même en chaque objet du monde (s'il se sépare du processus vital), de nouveaux commencements sont possibles.
|