La façon dont un champ est archivé dépend des techniques de l'époque (communication et conservation). Si Freud et ses contemporains avaient disposé de magnétophones, d'ordinateurs ou de courrier électronique au lieu d'écrire des lettres à la main, l'archive psychanalytique aurait été méconnaissable. Aujourd'hui [Derrida écrit en 1994-95], c'est un véritable séisme qui affecte ces techniques. Il n'y a pas que l'enregistrement qui soit affecté, mais la production du contenu, son surgissement : l'archivable et aussi l'archivant. Ce qui s'écrit, s'imprime, et qui sera stocké ou conservé en tant que prothèse, hypomnésie - est transformé dans son dedans le plus initial.

L'email est "en passe de transformer tout l'espace public et privé de l'humanité", par sa vitesse de transmission, ses possibilités de production et de destruction, les déplacements qu'il implique entre public et privé, la délimitation du secret, du partagé et du phénoménal. On ne prend pas encore la mesure des effets juridico-politiques - sur le droit de publier, la conservation et la reproduction - de ces bouleversements. Les techniques archivales ne commandement pas seulement la forme de l'impression, elles commandent et conditionnent l'institution même de l'événement archivable. L'archive a toujours été un gage, et comme tout gage, un gage d'avenir (p35) - on ne peut plus anticiper l'avenir de la même façon.