L'éthique du "care" conteste que la morale puisse être réduite à des abstractions ou des schèmes universalistes de type kantien. Il faut l'évaluer à partir de critères concrets, en fonction de la qualité des soins que reçoit chacun des membres de la société. Cela conduit à une morale spécifique qui n'est pas la totalité de la morale, mais une composante centrale. Jusqu'aux années 1980, on a accordé peu d'attention aux activités qui y sont liées, car elles sont morcelées, sous-payées, généralement confiées à des personnes elles-mêmes peu considérées (les femmes, les Noirs). On le renvoie souvent à la sphère privée, féminine, ou à des considérations affectives et émotionnelles. A quelques exceptions près (médecins, cuisiniers ou maîtres d'hôtel), les puissants et les riches le transfèrent à des personnes pauvres.
On peut le définir par quatre éléments : une attention à l'autre allant jusqu'au retrait de soi; un souci de responsabilité à l'égard d'autrui; une compétence pratique pour prendre en charge et résoudre les problèmes; une réponse de la part du destinataire du "care".
En prenant le "care" au sérieux, en passant d'une conception de l'autonomie/dépendance qui entretient les inégalités de pouvoir et de privilège à une conception de l'interdépendance humaine, on prend acte de la vulnérabilité de l'être humain. On peut introduire dans la société démocratique de nouvelles problématiques et revaloriser la condition de ceux et celles qui accomplissent ces tâches dans la société. Le "care" contribue à déplacer les frontières entre morale et politique, entre morale abstraite et engagement concret, entre le privé et le public. En se confrontant aux inégalités réelles, en passant du général au particulier, il peut conduire à des changements fondamentaux, allant jusqu'à repenser la nature humaine.
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