Jacques Derrida repère le mal d'archive chez Freud. D'une part, il espérait accéder à une vérité [celle du patient : pour guérir, il faut revivre la source du trauma ou du symptôme] en actualisant, au présent, les traces laissées par un frayage passé. Mais d'autre part, une autre vérité insistait, irréductible : celle du principe de plaisir, de la pulsion de mort, de l'itération de la marque. Il est impossible de revivre l'événement passé car il est remplacé par un substitut, une prothèse, une re-marque hétérogène à la marque.

En quoi le trouble de l'archive que nous vivons aujourd'hui est-il lié à celui de Freud? D'une part, le désir de retour au vécu, au réel de l'instant (seul critère de vérité), à ce moment où l'on puisse saisir l'origine parler d'elle-même, en personne, est plus présent que jamais. D'autre part, le monde est toujours plus hanté par les spectres : cinéma, médias, images proliférantes, télé-technologies, historiographie, conservation du patrimoine et des monuments. Entre les deux, le temps se désarticule.

Il y a chez Freud une surenchère : devant le mouvement infini de destruction machinique et d'expropriation, il insiste et désire encore plus faire revenir un sol de perception immédiate. Cette surenchère n'est pas pour rien dans l'autre surenchère [celle du Contemporain].

Quand le savoir dépend d'un système technique qui me déloge, me disloque [jusqu'au mal radical], il faut que soit réaffirmée l'autorité de l'archive. Le mal d'archive est double : il répond à cette menace; il lie ce savoir à une promesse.