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Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Jackson Pollock                     Jackson Pollock
Sources (*) : Pas de sujet dans la photo               Pas de sujet dans la photo
Rosalind Krauss - "Le photographique, Pour une théorie des écarts", Ed : Macula, 1990, p98

 

Femme en jaune devant la fenetre (Edouard Vuillard, 1900) -

La peinture de Pollock, telle que photographiée par Hans Namuth, dévoile une rupture entre "peindre le tableau"et "voir le tableau"

   
   
   
                 
                       

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Vers 1950, Hans Namuth a réalisé une série de photos intitulées Jackson Pollock au travail. Ces photos, prises sous un angle plongeant qu'on peut comparer aux prises de vue aériennes, montrent le peintre dans l'acte de peindre. Sans doute ont-elles influencé Harold Rosenberg, qui a publié en 1952 son article sur l'Action Painting où il soutient que, pour ce courant né dans l'Amérique des années 40, l'oeuvre est moins un objet qu'un événement, un acte, un geste ou un moment - quasi mystique - de la vie de l'artiste. Clement Greenberg s'est vigoureusement opposé à cette argumentation, en réaffirmant le caractère optique de la peinture de Pollock, qui implique une expérience purement visuelle, incompatible avec la dimension du toucher qu'on trouve dans la peinture traditionnelle (l'illusion perspective, le modelé, la sensation de pouvoir s'orienter à l'intérieur des objets du tableau).

Pollock plaçait le tableau sur le sol et y jetait la peinture liquide, dans un ballet de gestes rapides qui excluait toute possibilité d'analyse ou de réflexion. Pour rendre la spécificité de ce travail, Namuth a photographié Pollock dans un enchevêtrement envahissant de lignes blanches et noires qui redouble l'espace du "all over". On peut comparer ces photos aux peintures de Vuillard dans les années 1890, quand les motifs de papier peint sont superposés à la mimesis. Elles ont une fonction critique. Namuth interprète la peinture de Pollock en attirant l'attention sur la position surplombante que Pollock occupait lui-même par rapport à la toile. Il pouvait travailler le tableau de tous les cotés à la fois; et la penture liquide ne coulait pas. Mais d'un autre côté, la toile définitive ne pouvait être "lue" que transférée sur un mur.

Les photographies de Hans Namuth étant couvertes par la législation sur le droit d'auteur, nous les avons remplacées par ce très beau tableau d'Edouard Vuillard.

 

 

La coupure entre l'"acte de peindre" et l'"acte de voir" a toujours existé dans la peinture. On la retrouve dans la distinction entre la matérialité du tableau et l'illusion optique. Cette coupure est explicite dans la photographie aérienne, qui enregistre la réalité, mais d'une façon qui n'est pas directement lisible. Les objets vus de haut sont difficiles à reconnaître. Le réel (avec lequel nous sommes supposés entrer en rapport direct) est transformé en un "texte" qui nécessite un décodage. Il en est de même pour l'art de Pollock. D'une part, il produit un effet visuel irrésistible (sensation brute, primaire, à rapprocher du geste de peindre ou de l'automatisme de la photographie); mais d'autre part, il n'est intelligible que dans une tradition donnée (par la destruction de certains postulats de cette tradition).

 


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