Il existe une photographie de Man Ray, datée de 1933, où une tête vue de haut prend l'aspect d'une pyramide dont le sommet est une cigarette incandescante. Il suffit d'une rotation, d'un gros plan, d'une contreplongée, d'une variation d'éclairage, d'un recadrage, d'une solarisation ou d'une désorientation, et la masse des cheveux et la forme du visage deviennent difficilement reconnaissables. Cette stratégie, qui déconstruit l'aspect familier du corps humain, est souvent utilisée par les surréalistes. Soudain les choses usuelles sont comme si elles étaient autre chose : un animal, un objet décomposé ou pourri. Il suffit de détourner le processus mécanique d'un appareil photographique, et l'on entre dans le royaume du vertigineux, de la chute.

Ce processus rompt avec le "hasard objectif" d'André Breton, car il n'est ni aléatoire, ni fortuit. C'est une fissure, voire une rupture de la poétique surréaliste, qui recouvre le combat qui a opposé Bataille et Breton dans les années 1925-35. Bataille a développé le concept de bassesse pour développer un mécanisme servant à secréter l'informe. Il n'attend plus passivement l'arrivée du hasard (comme Breton), il construit une machine pour faire arriver, faire chuter la réalité.

Les photographies surréalistes étant protégées par la législation sur les droits d'auteur, nous avons choisi de montrer ici une photo de notre amie Aelia Laelia, datée de 2011.

Comme le minotaure qui erre dans le labyrinthe, il s'agit de perdre la tête et la raison. L'informe déconstruit toutes les catégories. Il s'en prend à l'organisation même de la réalité, avec ses limites et ses concepts. Le sens y perd toute capacité à entrer dans un mouvement dialectique.