Dans le discours (occidental) de la rationalité universelle, le sujet est conçu comme un être identique à lui-même, une substance unique, masculine. C'est un système binaire où la négation du masculin (la femme) est exclue de la subjectivité. Au sujet de la représentation s'oppose l'irreprésentable, l'impensable. On ne peut ni désigner, ni contenir ce sexe qui n'en est pas un (cf Luce Irigaray). La femme, répudiée du schème conceptuel hégémonique, est à la fois multiple et absente. Elle est l'autre de la substance masculine refermée sur elle-même, totalisante, phallogocentrique. Le pouvoir en fait un fétiche : une différence réduite au "sexe" (les traits apparemment sexués de leurs corps). En refusant aux femmes la liberté et l'autonomie dont les hommes sont censés jouir, on les réduit à un attribut (le sexe), une mascarade qui prend la place de la personne (le cogito autonome). Telle est la ruse d'une élaboration monologique, celle du masculin.

Pour penser le féminin, il faut critiquer radicalement cette métaphysique de la substance, qui structure l'idée même de sujet.

Quand on dit "Je suis une femme" ou "Je suis un homme", on présuppose une certitude anatomique, un principe de différenciation à l'égard du "sexe opposé", une unité entre le sexe, le genre et le désir sexuel - qui sont - selon Judith Butler - problématiques.