Jacques Derrida évoque, en 2002, un film tourné en 1998-1999 par Safaa Tafhy, D'ailleurs, Derrida. Pourquoi l'inquiétude qu'il ressentait avant de jouer le premier rôle dans ce film s'est-elle atténuée, voire effacée? Comme tous les films, celui-ci déplace le temps vers l'espace, mais [à la différence d'autres films], en tant qu'oeuvre, le devenir-espace du temps ne produit pas seulement de l'image, il produit de l'espacement. Or l'espacement (au sens de Derrida) n'est pas seulement spatial, c'est l'index d'un dehors, d'une hétérogénéité, d'un mouvement, d'une archi-écriture qui s'écarte de l'expérience d'une présence, cette expérience que Derrida redoute dans l'image. Tout film est soumis à la loi de l'image, mais le cinéaste peut faire en sorte que la nécessité iconique (Ceci est un film, ceci n'est pas un cours, même si l'acteur y joue le rôle du professeur donnant un cours) ne blesse pas la parole.

Dans ce film où aucun lieu n'est nommé, identifiable, où la parole est toujours déplacée, déportée, en exil, venue d'ailleurs, les mots sont détournés, disjoints, comme le carrelage de la maison d'enfance de J.D..