Selon Arthur Danto, chaque interprétation est un acte d'identification artistique. Si par exemple je déclare, après avoir examiné un tableau de Brueghel, "Cette tache de peinture est Icare", je me sers de la copule "est" comme opérateur d'identification. La pratique linguistique est courante, nous en avons l'habitude, nous la maîtrisons spontanément, mais s'agissant de l'art, on peut la qualifier de fonction transfigurative. Cette fonction dépasse la simple qualification ou déclaration. Elle a quelque chose de magique, mythique, mystique, rituel, religieux (Voici l'hostie et le vin, qui sont la chair et le sang), ou encore métaphorique [selon l'angle sous lequel on se place]. C'est, littéralement, une affirmation fausse, car en réalité la tache de peinture n'est pas Icare, mais pratiquement elle fonctionne. L'oeuvre est constituée, identifiée, elle prend place dans l'idiome de l'art tel qu'il est reconnu à notre époque, avec ses théories artistiques et son savoir particulier. Sans une telle théorie, une tache de peinture resterait à jamais une tache de peinture et ne deviendrait jamais Icare.

Détail du tableau de Pieter Brueghel l'Ancien, Paysage avec chute d'Icare (1655).