Au tournant du 20ème siècle, l'art ne s'est pas seulement engagé dans une nouvelle période (l'art moderne), il est passé à un nouveau type de période. Dans le vocabulaire sartrien, c'est le moment où le pour soi vient à l'existence. L'art devient un objet pour lui-même. Il interroge son statut, son identité. Au lieu de voir le monde, il commence à se voir lui-même, ce qui le conduit à redéfinir la totalité de ses relations aux objets antérieurs.

Devant l'émergence du cinéma, la peinture devait se réinventer. En se tournant vers elle-même, elle ne pouvait éviter de rencontrer la philosophie. Hegel appelle "savoir absolu" le moment où le gouffre entre le sujet et l'objet est surmonté. A partir de 1906, la représentation dans l'art est devenue secondaire. Chaque oeuvre, chaque mouvement, s'est transformé une sorte de théorie en action, ce qui a ouvert la voie à l'art abstrait, à l'esthétique formaliste et à toutes sortes de tentations occultes ou spiritualistes, dont témoigne entre autres Du spirituel dans l'art de Kandinsky (paru fin 1911). La peinture est devenue un pont vers des réalités supérieures. Ce phénomène, qui s'est traduit par un pluralisme généralisé et une liberté sans limite, a influencé toute la culture.