C'est, selon Duportail, "l'un des acquis majeurs de la phénoménologie contemporaine". Le corps n'est pas délimité par une figure, il n'est pas dans un lieu, repérable dans l'espace comme par un système de coordonnées. "C'est en projetant le monde, en dépassant son actualité, que je lui appartiens, que j'en suis", dit Duportail. Le corps est un ensemble de pouvoirs, de mouvements, qui ne se déploie pas dans une étendue géométrique, mais dans un écart où le monde ne se dévoile pas mais laisse, entre le sujet et le vécu, un invisible irréductible. Le corps de chair est toujours, pour partie, plongé en aveugle dans l'espace, dans un mouvement où surgissent en même temps le visible et l'invisible, la présence et l'absence à soi. Il n'est pas dans l'espace comme rangé dans une boîte, mais sujet de chair de cet espace. Il est englobé et englobant, enveloppant et enveloppé par un monde lui aussi enveloppé par ce corps. Duportail, s'appuyant sur Merleau-Ponty, qualifie de "noeud entre l'homme et le monde" cet enveloppement. Il en propose une "réduction" d'inspiration husserlienne, mais sur un mode toute à fait différent. Selon lui, l'expérience originaire ou préobjective du monde, qualititative, celle du corps vécu en tant qu'"il y a" de l'espace, ne relève pas d'une topologie de la sphère comme l'avait suggéré Husserl, mais d'une topologie du chiasma, telle que suggérée par Merleau-Ponty mais formalisée seulement par Lacan.