Toute oeuvre donne à voir, figure, signifie ou représente - ce que l'iconologie ou la critique d'art tente d'analyser. Mais quelle que soit la profondeur ou la rigueur de l'analyse, il s'ajoute toujours autre chose :
- une jouissance sensuelle - beauté ou plaisir de l'oeil,
- le plaisir intellectuel, toujours renouvelé - ou renouvelable - de la découverte, du commentaire, de l'analyse, de l'interprétation,
- le prestige social que confère la propriété ou la contemplation de l'objet,
- l'expérience d'une transformation, d'un déplacement ou d'un mouvement, qui déforme ou défigure ce qui se laisse deviner. L'iconologie doit analyser les conditions de figurabilité des contenus inconscients, comme on le fait pour le rêve.
- la révélation d'une vérité, d'une signification - voire d'un organe - caché(e), qui s'annonce, qui est imminente, mais ne se produit pas,
- une part de mystère irréductible,
- etc...
Il y a dans toute peinture un bonus, un surplus qui la distingue de l'image courante. Kant a parlé d'ornement - sur un ton parfois péjoratif. A sa suite, Jacques Derrida s'est servi du mot grec parergon, qu'Hubert Damisch reprend à son compte. Freud pensait que la beauté, par la sublimation, mettait la pulsion sexuelle au service de la civilisation. Mais quelque chose va à l'encontre de cette sublimation (du désir, de la différence des sexes). Ce "quelque chose" est précisément ce que Manet a interrogé dans le Déjeuner sur l'herbe : un supplément inassimilable, qu'on ne peut jamais intégrer dans l'oeuvre elle-même.
En multipliant les figures secondaires de son Jugement de Pâris, destiné à être largement diffusé par la gravure, Raphaël cherchait à augmenter le plaisir du spectateur. Vers 1515, prime de plaisir et reproduction en série étaient déjà associés.
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