Dans notre culture, le spectateur est fasciné par l'indéterminé. Il est attiré par les situations qui renouvellent constamment les choix interprétatifs. Une oeuvre multipolaire, qui accepte une variété de lectures possibles, sera préférée, mais à condition qu'elle ne dépasse pas les limites de sa permanence. Une oeuvre qui véhiculerait une trop grande quantité d'informations serait inintelligible. A partir d'un certain seuil - qui dépend notamment de la capacité du spectateur à dominer le désordre ou de son habitude à s'y mouvoir -, elle deviendrait indifférenciée. Toute jouissance esthétique suppose que l'oeuvre soit comprise dans un champ, que des germes d'activité formatrice y soient proposés.

Sous cet angle la situation du compositeur de musique électronique est caractéristique. Pour éviter d'être submergé par la variété infinie des sons et des bruits, il doit filtrer le matériau, l'organiser, le monter. C'est lui qui offre à interpréter, et il faut pour cela que l'interprète soit en mesure de distinguer entre la rumeur et le son. Entre l'ordre et l'aventure, entre la liberté et l'intelligibilité, la lutte est continuelle et doit être tranchée. La liberté de l'auditeur dépend de ce travail.

Plus la redondance du message est faible, plus son taux d'improbabilité est élevé, et plus la structure mentale du récepteur (sa psychologie) ainsi que la situation ponctuelle (historique, sociale, etc...) interviennent. Le message ne sera interprété qu'en fonction de cet ensemble.