Cette scène découpée à l'intérieur du tableau de Manet, Le déjeuner sur l'herbe, est centrée sur la baigneuse du second plan. Malgré la mauvaise qualité de cette reproduction, on peut repérer les couleurs aigres qui ont surpris les contemporains. On n'aperçoit ici que le visage et le regard provocant de la femme dénudée, assise sur une pelouse vert acide, qui montre ses chairs sans ombre. Contrairement, par exemple, à Courbet, Manet supprime les demi-teintes. Le résultat est double : d'une part la peinture apparaît plus plane, et d'autre part on perçoit plus vite les personnages. En travaillant directement une toile blanche, en gardant un fond clair, en rejetant les clairs-obscurs, Manet modifie la temporalité de ses tableaux. Le spectateur les perçoit soudainement, immédiatement.

La baigneuse, trop grande par rapport à la distance où elle se trouve, est elle aussi projetée vers l'avant, et dernier détail : un petit oiseau en haut de la composition (il s'agit, d'après les spécialistes, d'un bouvreuil), occupe étrangement la place de la colombe des Annonciations. Que révèle-t-il? Un mouvement rapide, foudroyant, comparable, dit Michael Fried, à "la capture d'un oiseau à mi-course".