On trouve dans le Déjeuner sur l'herbe deux motifs petits par la taille mais, selon Michael Fried, importants pour l'analyse du tableau. Il s'agit d'un petit oiseau, un bouvreuil, en haut vers le centre du tableau; et d'une petite grenouille accroupie, en bas et à gauche, tout près du coin. Le premier a été rendu méticuleusement, tandis que la seconde paraît avoir été brossée à la hâte. Pourquoi cette différence d'exécution? Pour que le petit oiseau soit saisi en vol, il faut que le regard soit rapide, instantané, précis; mais la grenouille est immobile, et alors ce que Manet tient à souligner (sans peut-être s'en rendre compte lui-même), c'est la rapidité de la main - comme dans son Autoportrait à la palette. Certes les deux sont liées, enchevêtrées. Il faut une vision rapide, fugitive, pour repérer le mouvement de la main. Sans doute ne faut-il pas pousser trop loin l'opposition. Mais ce type d'opposition, chez Manet, est récurrent.

---

Plus métaphysiquement, on a pu associer le bouvreuil à l'esprit, et la grenouille à la chair. Mais cela supposerait que la polarité corps/âme gouverne l'art de Manet, ce qui n'est rien de moins qu'évident.