Toute démocratie est mixte. D'un côté, le pouvoir est confisqué par une oligarchie qui trouve sa légitimité dans le vote, la compétence, l'efficacité, le savoir, etc..., mais reste une oligarchie. De l'autre côté, l'autre part du peuple (celle qui ne participe pas au pouvoir) peut résister, protester, contester cette domination. D'un côté, on tolère des "démophobes" qui s'inquiètent des réactions du peuple; mais d'un autre côté, le peuple bénéficie de certaines garanties. La question se pose de savoir à partir de quel seuil le système politique ne serait plus une démocratie - et c'est là, à partir de cette question, que Marc Crépon introduit la nécessité d'un principe transcendant. Seule la visée d'une justice, irréductible à un simple compromis contractuel (le droit), et reposant elle-même sur des institutions, peut garantir que les opposants politiques ne seront pas éliminés ou que les manifestations resteront permises. De même le combat politique, qui exige un autre partage des voix (selon la thèse de Jacques Rancière), repose sur une logique égalitaire qui dépasse la simple confrontation. Entre l'oligarchie et les forces qui contestent l'inégalité, il n'y a pas de langue commune. La police impose la loi de sa langue, mais d'autres idiomes exigent d'être entendus. Pour qu'il y ait démocratie, il faut que ces inventions ne soient pas impossibles, qu'elles ne soient ni réduites à la clandestinité, ni détruites.