Dans son analyse du temps (Physique IV, 217-218), Aristote avance deux hypothèses. Soit le temps est divisible, il est formé d'une succession d'instants ou de maintenants, mais alors on tombe sur une aporie, on ne peut pas dire s'il est ou s'il n'est pas. Soit le temps n'est pas composé de maintenants, il n'est pas un étant, et cela pose la question de son être. Qu'est-ce que le temps s'il n'est pas un étant, s'il n'appartient pas à la forme de la présence? Jusqu'à Heidegger, cette question sera éludée (et Heidegger lui-même arrêtera son analyse avant la destruction de la métaphysique). On supposera silencieusement, secrètement, que le temps est déjà déterminé, prédéterminé comme étant-présent, qu'il est une forme pure de la sensibilité (le sensible-insensible de Kant) - et le concept d'un sujet qui se pense lui-même prolongera la tradition. Mais la métaphysique creuse en elle-même sa destruction. Car le temps est toujours un "pas-encore" ou un "déjà-plus". L'intuition pure ne peut se rapporter seulement à un présent; elle suppose l'effacement de ce présent, un horizon, un dehors à l'étant.