Derrida
Scripteur
Mode d'emploi
 
         
           
Lire Derrida, L'Œuvre à venir, suivre sur Facebook Le cinéma en déconstruction, suivre sur Facebook

 

TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

                     
                     
Louis Soutter, l'inépuisable                     Louis Soutter, l'inépuisable
             
Jean-Yves Davy - "Les angles de l'art", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 26 juin 2012

 

La chute des forts (Louis Soutter, 1923-30) -

[Louis Soutter avait le don de transformer les entraves auxquelles il se heurtait en mouvement créatif inépuisable]

   
   
   
                 
                       

logo

 

Une très belle exposition était organisée du 21 juin au 23 septembre 2012 par la Maison Rouge, à Paris, autour de Louis Soutter (1871-1942). Les organisateurs avaient choisi un titre plutôt racoleur : "Le tremblement de la modernité", qui laisse supposer deux choses. D'une part, la peinture de Soutter s'inscrirait dans l'évolution picturale du 20ème siècle; et d'autre part, il aurait été le lieu ou le symptôme d'un événement spécifique dans cette modernité, un tremblement. Les deux points méritent certainement un examen détaillé. Que Soutter ait eu connaissance de la peinture des débuts du 20ème siècle ne fait aucun doute, mais ce qui est étrange dans son oeuvre, c'est qu'il va plus loin, il déborde ce qu'il a connu, comme s'il avait pressenti ce qui allait se passer plus tard, après sa mort. Et deuxièmement, de quel tremblement s'agirait-il? Celui d'un primitif ou d'un psychotique (ce qui semble être l'une des thèses de Michel Thévoz)? D'un personnage profondément perturbé, culpabilisé, de type border-line (position plus proche de celle de Hartwig Fischer)? Peut-être les deux à la fois, mais cela ne suffit pas.

Soutter est un résistant absolu, réductible à aucune des étiquettes qu'on a tenté de lui coller : ni l'art brut, ni l'expressionnisme, ni le maniérisme, ni la modernité, ni la sauvagerie. Au contraire son trait le plus singulier est sa capacité à s'extraire de tout groupe, de tout ghetto, de toute filiation, y compris de cet asile "pour vieillards et nécessiteux" où sa famille avait réussi à le faire interner d'office (car cet homme ne calculait pas, il dépensait plus qu'il ne gagnait, et le plus grand risque, pour eux, était d'avoir à rembourser ses dettes).

Louis Soutter a toujours été un homme double. D'un côté dandy, violoniste et peintre ayant suivi l'enseignement des meilleurs maîtres, familiarisé avec tous les courants de l'art de son époque; d'un autre côté écrasé par ce statut social qui n'était pas le sien. Qualifié de psychotique ou d'autiste, ayant passé 20 ans en semi-réclusion, incapable de se conduire "normalement" et de gérer "rationnellement" sa vie, il résiste encore à toute classification soixante-dix ans après sa mort. C'est cette résistance qui étonne, cette résilience aux violences qu'il subissait, sa capacité à transmuer ses contradictions en indécision créative.

Après l'échec de son mariage aux Etats-Unis, rétif à la discipline d'un orchestre, il a dû lutter contre les obstacles qui s'accumulaient : l'indifférence de ses proches, l'artériosclérose, la dégradation de sa vue, mais il a toujours trouvé des voies de traverse pour contourner les bornes sociales comme les limites de son corps. On lui confisquait son violon? Il dessinait sur des cahiers d'écoliers, du papier d'emballage ou des livres (qu'il volait parfois), jusqu'à ce que son cousin, l'architecte Le Corbusier, les fournisse des feuilles de grand format sur lesquelles il pouvait peindre. Tout se passe comme s'il n'acceptait aucune limite à son travail, même pas celles du bord du papier.

Dans les dernières années de sa vie, cet homme qui avait l'habitude de s'habiller avec soin a commencé à peindre nu, sans autre instrument que les doigts. Son corps se prolongeait dans la peinture. Tout ce qu'on qualifie aujourd'hui de contemporain y est déjà déployé : empreintes, traces, traits, points, touches de couleur, tramage et tissage de motifs autour d'un texte, et même Action Painting. S'il a usé et abusé de la citation, du recadrage et de la copie, s'il a mélangé spontanément l'abstrait et le figuratif, ce fut toujours sous la poussée de cette force interne qui le poussait vers l'inconnu.

Ses dessins ne sont pas faits pour être vus dans l'instant. Il faut les considérer dans la durée, comme des compositions musicales. On peut alors percevoir la force qui les met en mouvement, une force ni idéologique, ni sociale, ni esthétique : la différance.

 

 

Il est étrange qu'on ne l'ait pas plus souvent comparé à cet autre Suisse, Paul Klee (1879-1940), dont il est presque exactement contemporain et qui, lui aussi, a eu une double compétence de violoniste et de peintre, et a terminé sa vie solitairement, dans sa région d'origine.

--------------

Propositions

--------------

-

Louis Soutter (1871-1942), catalogue sous la direction de Hartwig Fischer (2003) [CAT-Soutter]

-

Sans autre objet que sa "différance", l'oeuvre de Louis Soutter sème à tout vent, elle reçoit son sens du regard de l'autre

-

Louis Soutter dessinait comme un scribe, le regard tourné vers un texte inconnu

-

Il y avait deux hommes en Louis Soutter : l'un écrasé par la société; et l'autre exonéré de contrat social

-

Pour peindre ou dessiner, Louis Soutter se mettait dans un état d'indécision qui ouvrait la voie à toutes les transformations imaginables

-

Louis Soutter témoigne d'un témoignage impossible

-

Pour Louis Soutter, les bords de l'oeuvre ne fonctionnent pas comme limites mais comme fêlures, champs déstabilisateurs où les mots-titres sont des grammes

-

N'étant inféodées à aucun objectif, les oeuvres plastiques de Louis Soutter investissent la durée comme des compositions musicales

 


Recherche dans les pages indexées d'Idixa par Google
 
   
 
 

 

 

   
 
     
 
                               
Création : Guilgal

 

 
Idixa

Marque déposée

INPI 07 3 547 007

 

JeanYves
SoutterParcours

AA.BBB

LW_SoutterParcours

Rang =
Genre = MK - NG