Quand Moïse se présente aux Hébreux, il ne vient pas au nom du Créateur du Ciel et de la Terre, mais en tant que messager du "Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob" (les patriarches), celui qui exige des Hébreux qu'ils se souviennent qu'ils ont été des esclaves. "Je suis Yhvh, ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison des esclaves". Le peuple d'Israël se constitue par cette mémoire. Dieu lui-même ne se fait connaître que par le souvenir, qui prend la place d'un impératif religieux.

Pour que l'alliance soit durable, il faut supposer que toutes les générations étaient virtuellement présentes au Sinaï. "Et ce n'est pas avec vous seuls que je conclus cette alliance, ainsi que cette adjuration, mais encore avec quiconque se trouve ici présent aujourd'hui avec nous en présence de Iahvé, notre Dieu, et avec quiconque ne se trouve pas ici aujourd'hui avec nous" (Deut 29:13-14). Pour que Dieu soit présent, il faut que soit transmise la mémoire historique de cet événement. Cela passe par des récits, des fêtes et des rites.

Moïse reçoit les Tables de la li (Raphaël, Vatican, 1517-19).

Le rituel juif ne répète pas des archétypes mythiques, mais un passé historique qui a un sens et qui appelle des défis. C'est une religion saturée d'histoire.