L'histoire juive moderne naît vers 1820, avec la création de la Société pour la culture et la science des Juifs par Leopold Zunz, Immanuel Wolf et Heinrich Heine. Ce groupe défendra l'idée d'une Science du judaïsme (Wissenschaft des Judentums) en rupture avec les postulats historiques acceptés antérieurement par les Juifs, y compris ceux de la Haskala, ce mouvement des Lumières de la seconde moitié du 18è siècle qui restait traditionnel dans son contenu. Pour la première fois, l'histoire juive ne cherchait pas à justifier son existence en termes religieux, philosophiques ou moraux; c'est le judaïsme qui était analysé à la lumière de l'esprit critique (historiographie). Ces savants, qui maîtrisaient à la perfection l'hébreu mais avaient renoncé à l'ambition d'en faire une langue vivante, n'hésitaient pas à mettre en question les convictions les plus ancrées du judaïsme traditionnel. En devenant scientifique, l'histoire s'écartait du texte sacré, elle s'érigeait en juge du judaïsme. Alors qu'ils travaillaient dans des conditions très difficiles, rejetés à la fois par l'université et le rabbinat, ces "Juifs perdus" ont posé les bases d'une discipline qui n'avait jamais existé auparavant. Pour reconstruire le passé, ils acceptaient une rupture dans la vie juive. Désirant s'assimiler, ils prenaient acte d'un effondrement des valeurs traditionnelles. Depuis, cette tendance n'a cessé de s'accentuer. Plus les Juifs perdent la mémoire de groupe, plus ils font appel à l'histoire pour valider leur idéologie.

Shir, le Rabbin de Prague Solomon Judah Leib Rapoport, confronté à la science du judaïsme.