"Modernité" est un mot que Jacques Derrida s'efforce d'éviter. Utiliser ce mot, c'est inscrire ce qui se passe aujourd'hui dans la logique de progrès héritée des Lumières, c'est privilégier une conception de l'histoire dans laquelle ce qui apparaît comme nouveau, unique, singulier semble émerger pour la première fois. Ce "nouveau", selon Derrida, est double :

- à travers lui émergent les archives les plus cachées et les plus oubliées. Elles gisent dans des fossés dissimulés, dans des failles, qui s'ouvrent à l'occasion de ruptures. Le "très moderne" répète le "très ancien", la tradition historique.

- mais le déploiement actuel ne se limite pas à une répétition. Il y a aussi dans l'histoire des ruptures, des mutations, des transformations, qui font surgir des phénomènes singuliers qui n'existaient pas antérieurement, même sous forme latente.

On peut considérer la montée du féminisme, de la libération de la femme, comme un exemple de ces phénomènes. D'un côté, la transformation actuelle du rapport hommes/femmes est sans précédent (p23), on peut la rapprocher de la déconstruction du phallogocentrisme prônée par Derrida. Mais d'un autre côté, il ne faut pas plaquer sur cela le langage codé de la libération politique.

Cette mutation du féminin ne conduira pas obligatoirement à la liberté des femmes, elle ne se traduira pas nécessairement par un progrès historique.