- Bibliographie.
Né en Hongrie d'un père rabbin et imprimeur, ancien étudiant de yeshiva lui-même, il a émigré en France en 1938. Il y a poursuivi des études de philosophie et d'esthétique, y est devenu psychanalyste, y a produit une oeuvre extrêmement originale alliant phénoménologie et psychanalyse, autour de ses concepts d'introjection, de crypte de fantôme, qu'il développera en se faisait l'héritier de la psychanalyse hongroise, de Sandor Ferenczy à Imre Herman, en collaboration très étroite avec son épouse Maria Török (qu'on écrit le plus souvent en graphie française Maria Torok).
Son histoire personnelle est particulièrement tragique et complexe. Marié une première fois avec Etma Friszman qui passera de longues périodes en hopital psychiatrique, ayant perdu presque toute sa famille dans la Shoah, il se remariera avec Maria Torok (1925-1998), avec lequel il publiera plusieurs livres (voir ici le récit de leur relation). L'un de ses fils se suicidera, tandis que son neveu et exécuteur testamentaire, Nicholas Rand, avec lequel certains de ses livres ont été écrits, épousera Maria Torok en 1990. On se demande s'il convient de rapprocher cette structure familiale complexe d'un de ses thèmes de prédilection, le secret de famille. En tous cas le fait qu'il ait tenté d'analyser son fils, peu avant son suicide, lui sera reproché avec véhémence et contribuera peut-être pour une part à sa mise à l'écart des institutions psychanalytiques, qui l'affectera profondément et ne sera pas sans conséquence sur son décès, intervenu en 1975 à la suite d'une intervention chirurgicale à coeur ouvert.
On peut analyser sa théorie sous deux angles qui, en tout état de cause font de lui un cas particulier de la psychalyse française : (1) il est l'héritier et l'introducteur en France de la variante hongroise de la psychanalyse (2) il y a eu entre le couple Abraham-Torok et Jacques Derrida une profonde influence réciproque, de sorte que certains de leurs concepts comme crypte ou fantôme peuvent difficilement être interprétés en-dehors de cette postérité. Mais il y a aussi d'autres héritiers, comme Claude Nachin par exemple, avec sa clinique intergénérationnelle et transgénérationnelle.
Selon Nicolas Abraham, la psychanalyse doit commencer par résoudre un problème qui peut sembler insoluble. Avec des concepts comme, par exemple, inconscient, pulsion, libido, elle désire avoir accès à des lieux inaccessibles. Mais il faut pour cela les traduire dans une autre langue, incomparable à aucune autre, celle des concepts anasémiques. Dans cette langue, les processus visés n'apparaissent pas comme des phénomènes, ils n'ont aucun sens dans le langage courant. Et pourtant ils sont incoutournables. Toute pratique analytique est une recherche du désir anasémique, bien qu'elle ne puisse accéder qu'à son fantôme. Cette démarche implique une brisure, un nouveau rapport entre psychanalyse et phénoménologie.
Selon Nicolas Abraham et Maria Torok, l'introjection primordiale de l'objet est à l'origine du langage et de la culpabilité. C'est un processus d'auto-affection à partir duquel se produisent les désirs, les contre-désirs et les symboles qui en sont la conséquence.
Dans certains cas, l'introjection réussit, ce qui permet le déploiement des fantasmes sans dépendance objectale. Mais dans d'autres cas - à cause d'un trauma personnel ou d'un secret de famille dissimulé dans une crypte -, l'introjection échoue. Le sujet doit coexister avec un objet inaccessible et étranger.
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