Derrida
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Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Introjection, incorporation                     Introjection, incorporation
Sources (*) :              
Nicolas Abraham - "L'écorce et le noyau", texte écrit avec Maria Torok"", Ed : Flammarion, 1987, pp267-8

 

Jeune femme melancolique (Heinrich Hoerle, 1930) -

Les fantasmes d'incorporation de la mélancolie sont antimétaphoriques : ils détruisent la figuration et annulent l'acte même de mettre en mots le vide originel

   
   
   
                 
                       

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Selon Nicolas Abraham et Maria Török, pour qu'un fantasme d'incorporation s'installe et s'encrypte dans le moi, il faut :

1. que, par suite d'une expérience honteuse [un événement traumatique, une mort, une honte subie, un éloignement] ou d'un secret partagé [qui peut, ou non, être transgénérationnel], le moi soit déjà cloisonné. Un objet [ou Imago] joue, à ce stade, le rôle d'idéal du moi. Même si lui-même n'est pas coupable, le sujet se sent obligé de garder son secret, de couvrir sa honte.

2. c'est alors qu'une perte intervient [pas nécessairement un décès]. Le sujet est incapable d'en faire le deuil à la manière freudienne, par introjection de l'objet, car les métaphores qu'il devrait invoquer lui sont interdites, invalidées. La perte de l'objet est associée à une volupté illégitime et innommable. Elle reste absolument refoulée, secrète, inavouée, conservée dans la clandestinité.

Quand ces deux facteurs interviennent, le sujet peut sombrer dans la mélancolie. Il devient cryptophore (porteur d'une crypte en laquelle sont ensevelis ses secrets). Incapable d'utiliser le langage figuré, il assume les mots au sens propre, il les avale, les mange, les conserve. Il se fait coprophage, fécalise l'objet refoulé et honni. On peut considérer ce mécanisme comme une figure (une trope), que les auteurs appellent antimétaphore. La démétaphorisation opère à la limite du langage. C'est un enfermement, un enterrement qui d'un côté rassure le moi, mais d'un autre côté focalise la vie libidinale du sujet dans des mots indicibles et figés, à la façon du "tieret" de l'Homme aux loups.

Tous les cryptophores ne sont pas mélancoliques car, tant que la crypte tient, cette maladie ne se déclare pas. Mais quand les parois sont ébranlées, quand la crypte menace de s'écrouler, alors c'est le moi tout entier qui devient crypte. Un deuil interminable commence, accompagné de tristesse, d'auto-reproches et de culpabilité.

 

 

 


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