Derrida
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Qui légitime l'artiste?                     Qui légitime l'artiste?
Sources (*) :              
Paul Audi - "Discours sur la légitimation actuelle de l'artiste", Ed : Les Belles Lettres, 2012, p12

 

Autoportrait au chapeau (Greuze, 1795) -

Le mot "artiste" est apparu pour la première fois dans un document officiel en 1798, quand la Révolution a été confrontée à des choix fiscaux

   
   
   
                 
                       

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Sous l'Ancien Régime, où il n'existait rien d'équivalent au droit d'auteur, on distinguait entre :

- les "arts libéraux" comme la rhétorique, la logique, les mathématiques, la musique. Ces arts dits intellectuels n'étaient pas rémunérés. Les musiciens et les écrivains ne pouvaient subsister qu'en étant soutenus soit par la Cour (le roi ou les princes) soit par les mécènes ou les libraires qui publiaient leurs livres.

- les "arts mécaniques", manuels, comme la peinture et la sculpture. Les peintres et les sculpteurs subsistaient en vendant, principalement, des objets de culte ou des portraits de famille.

Quant aux comédiens ou interprètes musicaux, ils n'avaient aucun statut et étaient souvent méprisés.

Avec la loi de finances du 22 octobre 1798, qui supprimait les corporations et les Académies royales, il a fallu définir le statut fiscal des peintres et dessinateurs. Devaient-ils payer la patente, comme les autres commerçants et artisans, ou en être exonérés? De justesse, c'est la seconde option qui a été choisie. La peinture est devenue un art libre, intellectuel et non manuel. C'est alors qu'on a choisi le mot artiste pour la désigner.

La grande réussite de l'artiste comme tel est d'avoir réussi à donner à ce mot une nouvelle signification, plus large : les créateurs d'oeuvres d'art. Cette signification leur confère, à eux ainsi qu'aux musiciens, écrivains, comédiens, danseurs etc... une dignité nouvelle, une sorte de titre nobiliaire, un privilège qui n'a cessé de s'élargir avec le temps.

Cela conduit à poser une question de principe : qu'est-ce qui confère à l'Etat le droit de décider qui est artiste? En fonction de quelle politique, quelle autorité, quelle norme? La question se pose d'autant plus pour une profession qui se voudrait "souveraine", à l'écart de toute norme.

 

 

Autoportrait de Greuze en 1795, à l'époque où il n'était encore qu'un simple travailleur manuel - quoique prestigieux.

 


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