Dans cette définition, la structure du mot est rapprochée de celle du trauma. En chaque mot travaillerait un fantôme menaçant, un drame qu'il faudrait maintenir dans l'insu (la nescience) pour le conjurer (éviter qu'il n'envahisse le moi). Le mot signalerait la présence de cette catastrophe tout en l'exorcisant par réduction à un seul horizon, un système d'oppositions aussi univoque que possible, un sens. Pour éviter que d'autres horizons du même mot, des horizons secrets, inconscients, ne viennent à la surface, il faudrait l'enfermer dans une crypte, une sépulture (le signe, le langage).

Il y a, dans les systèmes de symbolisation, un privilège des mots. Ce sont eux qui enracinent le symbole, y compris dans les rêves, où ils prévalent sur les images et les affects. C'est pourquoi Nicolas Abraham considère que c'est à la psychanalyse de venir en aide à la linguistique, et non pas l'inverse. En effet Freud a découvert que l'inconscient n'avait pas affaire à des significations, mais à des mots dramatisés, ensorcelés, qu'il fallait déchiffrer.

Le mot assure une médiation entre différents niveaux (organique/psychique) et différentes instances topiques (conscient/préconscient/inconscient). Bipolaire, centrifuge et centripète, il n'est pas identique pour l'extérieur et l'intérieur. A la fois messager des pulsions refoulées et instrument de leur refoulement, véhicule de l'interdit et de la réalisation du désir, il porte en lui un mouvement, un dynamisme.