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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
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Régime moderne de l'écoute | Régime moderne de l'écoute | ||||||||||||||||
Sources (*) : | L'oeuvre, sujet de l'art | L'oeuvre, sujet de l'art | |||||||||||||||
Peter Szendy - "Ecoute, une histoire de nos oreilles", Ed : Minuit, 2001, p32 - |
Peter Szendy | [Avec la modernité s'est produite une mutation de l'écoute musicale : en devenant écoute-d'une-oeuvre, elle s'est autonomisée, donnant lieu à des droits et des devoirs] |
Peter Szendy | ||||||||||||||
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Chaque auditeur entend la musique de façon différente. Une écoute se construit en lui, qui dépend de sa personnalité, de sa culture, des attitudes qui lui ont été transmises et qui gouvernent son audition, et aussi des possibilités qui lui sont ouvertes par l'oeuvre. C'est elle, l'oeuvre, qui par sa structure, son organisation, son architecture, configure certaines possibilités d'écoute (et pas d'autres). Elle assigne une position à l'auditeur et exige de lui qu'il l'entende, elle lui réserve un espace où il peut jouer. Cet espace n'est pas identique selon les époques, il a une histoire. Selon le régime d'écoute en vigueur à un moment donné, les possibilités d'appropriation de la musique ne sont pas les mêmes. Vers le milieu du 19ème siècle, un nouveau régime se serait mis en place. Il se caractériserait par : 1. La mise en place de l'idéal moderne de l'oeuvre, qui exige que, sous l'autorité de l'auteur et par protection de la loi, elle soit respectée, laissée intacte. Dans la salle de concert, il faut se tenir silencieux, être tout ouïe devant une oeuvre qu'on écoute intégralement. Nul ne doit perturber l'attention de l'auditeur ni influencer son écoute, sinon l'oeuvre, qui configure elle-même sa réception. A la limite, c'est l'oeuvre elle-même qui s'écoute, résorbant en elle l'auditeur. 2. Parallèlement, le dispositif moderne laisse à l'auditeur une certaine autonomie d'écoute. Lui aussi, l'auditeur, a certains droits - et en contrepartie une responsabilité, des devoirs. "Tu dois écouter, entendre, déchiffrer!" lui dit l'oeuvre. "Tu dois laisser l'oeuvre s'inscrire dans ton corps". Chaque écoute est singulière et intransmissible. 3. Avec l'invention du phonographe (1877), les possibilités de reproduction mécanique de la musique se sont considérablement élargies. Les conséquences ont été ambiguës : d'une part, l'autorité de l'auteur est réaffirmée - par la technique comme par le droit. Mais d'autre part, la mécanisation aveugle est une dépossession, une désappropriation qui ouvre à toutes les répétitions et pillages. 4. Il existe pourtant des écoutes qui peuvent être proposées à d'autres, transmises. L'arrangeur a la possibilité - à certaines conditions et sous certaines réserves socialement et juridiquement déterminées - de signer son écoute. C'est une façon pour lui de déposséder le compositeur de sa musique, de la faire sienne. L'extension du champ protégé par le droit d'auteur n'a pas empêché l'activité des Disc Jockeys, qui réunissent en une seule personne la production, la reproduction et la réception du son. 5. A partir du milieu du 20ème siècle, s'est ouverte une problématique mettant en question les présupposés jusque là impensés de la notion d'oeuvre. Avec la numérisation des sons, la fixité de l'oeuvre recule devant sa plasticité. Dans le nouveau régime d'écoute, l'auditeur ne s'efface pas devant l'oeuvre. Il peut entendre son écoute singulière comme celle des autres. Ainsi l'oeuvre n'est-elle pas donnée à l'avance : elle laisse ouvert le désir d'écouter.
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-------------- Propositions -------------- -L'idéal moderne de l'oeuvre, qui exige qu'elle soit respectée, laissée intacte, s'impose pour la musique vers le milieu du 19ème siècle -Une oeuvre musicale configure elle-même sa réception - elle met en oeuvre les moyens qui rendent possibles son appropriation par l'auditeur, son écoute -Dans le régime moderne de l'écoute, il faudrait que ce soit l'oeuvre qui s'écoute - résorbant en elle l'auditeur -L'écoute musicale s'accompagne d'un double sentiment de devoir et de responsabilité : "Il faut écouter, tu dois écouter!" -L'expérience de l'oeuvre se joue dans une tension, un aller-retour entre sa lettre et son inscription dans un corps étranger -L'écoute silencieuse, attentive et respectueuse, totalement soumise à la loi de l'oeuvre, nait à la fin du 18ème siècle autour de la figure du musicien sourd : Beethoven -La notion d'oeuvre musicale n'émerge que lentement, en corrélation avec le droit d'auteur, et se consolide au 19ème siècle en liaison avec le régime moderne d'écoute -Dans l'oreille de chacun est greffé un corpus invisible, qui gouverne les lois de l'audition -Les arrangeurs sont les seuls auditeurs de l'histoire de la musique à écrire et signer leurs écoutes -Avec les DJs, la production, la reproduction et la réception du son tendent à se confondre : les Disc Jockeys sont des auditeurs, qui produisent en concert leur audition -Avec la reproduction mécanisée de la musique, l'autorité de l'auteur est affirmée et ébranlée; l'oeuvre reproduite est un écho spectral de son nom, et aussi une dépossession -L'invention par Edison, en 1877, du phonographe, premier appareil capable de reproduire la voix parlée, a contribué à élargir la "juridicisation" du sonore -Avec la numérisation commence pour la musique l'époque de la plasticité : c'est l'auditeur qui, en intervenant à même la musique et son texte, fait oeuvre -La notion d'oeuvre est un présupposé impensé de la critique d'art -Une oeuvre n'est oeuvre que si elle laisse ouvert le désir d'écouter, si elle laisse à désirer l'écoute de l'autre |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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szendy EcouteModerne AA.BBB ArtSujetOeuvreME.LME SzendyParcoursGD.LDG HO_EcouteModerne Rang = QMusiqueEcouteGenre = - |
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