Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

                     
                     
L'oeuvre, un don                     L'oeuvre, un don
Sources (*) :              
Pierre Delain - "Pour une œuvrance à venir", Ed : Guilgal, 2011-2017, Page créée le 19 mars 2013

 

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[Une oeuvre ne se transmet pas, ni ne s'expose, ni ne se présente, ni ne s'explique : elle se donne]

   
   
   
                 
                       

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On parle couramment de "donner un spectacle", "donner un concert", "donner une représentation". Que faut-il entendre par là?

 

1. Le don, un quasi-concept derridien.

cf : [Derrida, le don], §1-3

 

2. Donner le donner.

L'oeuvre n'est donnée ni par son auteur, ni par son propriétaire. Elle est donnée (impersonnellement), en telle circonstance ou en tel lieu - comme on donne un concert ou un spectacle. Qu'il y ait un metteur en scène, des interprètes, un programme annoncé à l'avance, une organisation, une rentabilité financière, ne change rien au don de l'oeuvre : en tant que telle, elle n'entre dans aucun échange, aucune compensation, aucune rétribution ni contribution à quoi que ce soit. Tout se passe comme s'il n'y avait ni motif, ni explication, ni cause (en tous cas dans l'ordre apparemment immobile qui est celui de l'oeuvre elle-même, telle qu'elle se présente); et pourtant quelque chose se produit, une perturbation, un désordre inexplicable, inanticipable,

"L'événement et le don, l'événement comme don, le don comme événement doivent être irruptifs, immotivés - par exemple désintéressés. Décisifs, ils doivent déchirer la trame, interrompre le continuum d'un récit que pourtant ils appellent, ils doivent perturber l'ordre des causalités : en un instant. Ils doivent, en un instant, d'un seul coup, mettre en rapport la chance, le hasard, l'aléa, la tukhè, avec la liberté du coup de dé, avec le coup de don du donateur ou de la donatrice. Le don et l'événement n'obéissent à rien, sinon à des principes de désordre, c'est-à-dire à des principes sans principe" (Derrida, Donner le temps. 1, la fausse monnaie, p157).

Et ce qui arrive, bien qu'inexplicable et indescriptible, peut vous changer de part en part.

"[Le don] doit ouvrir ou rompre le cercle, rester sans retour, sans l'esquisse, fût-elle symbolique, d'une reconnaissance. Au-delà de toute conscience, bien sûr, mais aussi de toute structure symbolique de l'inconscient. Le don une fois reçu, l'oeuvre ayant fait oeuvre jusqu'à vous changer de part en part, la scène est autre et vous avez oublié le don, le donateur ou la donatrice. L'oeuvre alors est "aimable", et si l'"auteur" n'est pas oublié, nous avons pour lui une reconnaissance paradoxale, la seule qui pourtant soit digne de ce nom si elle est possible, une reconnaissance simple et sans ambivalence. C'est ce qu'on appelle l'amour, je ne dis pas que cela arrive, cela ne se présente peut-être jamais, et le don que je décris ne peut sans doute jamais faire un présent" (Derrida, Ulysse gramophone, p21).

Il y a dans l'oeuvre digne de ce nom un contraste, une tension entre son caractère apparemment achevé et sa capacité de déplacement. Quand une oeuvre est donnée, elle est respectée, et en même temps bouleversante et bouleversée. Malgré les effets, les changements, les débordements, les suppléments qui arrivent à cause d'elle, elle reste toujours absolument intacte. Elle ne peut transformer que si elle ne tolère ni signature, ni communication, ni explication.

C'est cette structure qui fait de l'oeuvre le lieu privilégié du don, ce lieu qu'Emmanuel Lévinas a choisi d'écrire avec une majuscule, l'Œuvre (voir ici les citations de Lévinas). Quelles qu'en soient les apparences, l'oeuvre ne dispense aucun autre contenu que l'acte de donner. Produire une oeuvre, c'est donner le donner (voir ici l'analyse de cette obligation).

 

3. La photographie, analysée comme don de l'autre.

a. un roman-photo silencieux, paradigme de l'oeuvre photographie.

cf : Lecture de "Droit de Regards" de Marie-Françoise Plissart (Jacques Derrida, 1985) [LDRP] (présentation du texte).

b. la photographie comme genre.

cf : [Derrida, la photographie].

 

 

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Propositions

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[Derrida, le don]

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Jacques Derrida désire donner le donner même du donner, un donner qui ne soit ni un objet, ni un dit, ni quelque opération assez identique à elle-même pour revenir au même

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Une oeuvre se donne et se rend au-delà de l'échange, en supplément, par-dessus le marché, comme on rend la justice

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Dans le don, ce qui est donné n'est pas un contenu, mais l'acte de donner comme oeuvre, performance

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Un texte est destiné à partir en cendre ou en fumée, il raconte une histoire de don, de dissémination absolue, qui lui fait déborder son cadre

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Le don est l'effet de rien : imprévisible et inexplicable, il doit, comme l'événement ou la création, perturber l'ordre des causalités

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Une oeuvre fait oeuvre par un don qui vous change de part en part, tout en faisant oublier le donné, le donateur et même l'acte du don

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On ne peut ni signer, ni communiquer, ni expliquer, ni transmettre l'Orloeuvre, on ne peut que la donner, en s'accommodant des apories du don

 


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