Dans la culture occidentale, on ne peut pas parler d'injustice à l'égard d'un animal, d'un végétal ou d'un minéral. Même si l'on reconnaît qu'on le fait souffrir, on n'admettra pas qu'il puisse être victime d'un crime, d'un viol ou d'un vol, ou qu'il puisse être lésé comme un sujet. Il y a des vivants qui ne sont pas sujets de la loi ou du droit. Même si l'on évoque les droits de l'animal, on ne met pas en question la technologie industrielle qui règle le sacrifice carnivore. L'opposition juste/injuste n'est pas applicable à ces vivants-là. Mettre en question le "carno-phallogocentrisme", c'est "reconsidérer la totalité de l'axiomatique métaphysico-anthropocentrique qui domine en Occident".

Si l'exigence de justice franchit les frontières traditionnellement fixées entre les espèces, les sexes ou les âges de la vie, c'est tout le système hiérarchique, l'appareil de limites de notre culture qui est déconstruit. Reconnaître une responsabilité illimitée, incalculable, exiger pour ces "autres" une justice infinie, est certainement disproportionné. C'est un excès, une surenchère, mais c'est aussi une responsabilité à laquelle on ne peut pas se soustraire, une tâche incontournable [celle de la déconstruction].