Y a-t-il d'autres moyens que la violence pour régler les conflits entre les hommes? Pour qu'une valeur juridique soit attachée à un contrat, il faut selon Walter Benjamin que la violence soit impliquée. En effet, si le contrat n'est pas respecté, c'est bien à la violence, qui est le fondement même du droit, qu'on aura recours. Même si la violence n'est pas immédiatement présente dans le contrat, elle est représentée par le pouvoir qui le garantit. Même les parlements ne doivent leur légitimité qu'aux forces révolutionnaires qui leur ont permis d'exister. Aucun compromis destiné à exclure la violence ne serait accepté s'il n'y avait pas la menace de la violence adverse. A l'origine comme à la fin de tout ordre de droit, il y a la violence.

Walter Benjamin trouve pourtant un terrain d'accord entre les hommes totalement inaccessible à la violence : celui du langage. La violence juridique ne s'est introduite que très tardivement sur le terrain du mensonge ou de la tromperie (elle n'est punissable ni dans le droit romain ni dans l'ancien droit germanique). Les rapports entre hommes marqués par la courtoisie, la sympathie, l'amour de la paix, la confiance, le dialogue, [y compris, selon Benjamin, la grève], sont des moyens purs [non soumis au droit], des solutions médiates, des techniques d'accord civil qui sont encore utilisés dans les conflits entre personnes privées.

Mais l'Etat les restreint aujourd'hui par crainte de voir une confrontation violente rejaillir sur les fondements du droit.